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Un nombre croissant de brevets impliquant l’intelligence artificielle

Une nouvelle étude de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle révèle que le nombre de brevets en biotechnologie pour lesquels l’intelligence artificielle (IA) constitue un élément essentiel est faible. Toutefois, ces chiffres ne mettent en lumière que la pointe de l’iceberg des brevets combinant IA et biotechnologie, secteur dans lequel l’IA représente un outil d’aide important dans le développement d’inventions.

L’intelligence artificielle joue un rôle important dans les brevets biotechnologiques. Photo: iStock
L’intelligence artificielle joue un rôle important dans les brevets biotechnologiques. Photo: iStock

Au cours de la dernière décennie, le nombre de brevets sur des inventions liées à l’IA a augmenté de manière exponentielle, comme le montrent les derniers rapports de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) et de l’Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni (UK IPO). Le nombre de brevets suisses liés à l’IA est en passe de rattraper celui des brevets biotechnologiques, dont la croissance est plus lente : ce phénomène reflète un processus de consolidation des portefeuilles des plus grands détenteurs de brevets ou des grandes entreprises pharmaceutiques.

 

L’Office européen des brevets (OEB) définit une invention mise en œuvre par ordinateur (IMO)1 comme « une invention qui implique l’utilisation d’un ordinateur, d’un réseau informatique ou d’un autre appareil programmable et dont une ou plusieurs caractéristiques sont réalisées totalement ou en partie par un programme d’ordinateur ».

 

L’OEB définit l’intelligence artificielle (IA)2 comme une « réflexion et [une] prise de décision [...] effectuées par des machines et non par des humains ou des animaux ». L’IA implique souvent un processus d’apprentissage itératif (machine learning, ou apprentissage automatique) qui permet à la machine de s’adapter à un problème spécifique afin de pouvoir prendre des décisions adéquates ou proposer des interprétations de manière autonome. L’IA et le machine learning sont souvent utilisés comme synonymes dans la littérature brevets.

 
 
 

Les brevets IA bouleversent le système des brevets actuel

Ce sont avant tout les inventions impliquant des IMO et l’IA qui représentent un défi pour le système des brevets actuel. Ce sont les aspects de la brevetabilité, de la question de l’inventeur et de la propriété qui posent principalement problème. C’est ce qui ressort du livre blanc du Forum économique mondial 2018 (Hu 2019)3 et de la décision de l’OMPI de 2019 de lancer une consultation publique sur l’intelligence artificielle et la propriété intellectuelle.4

 

L’inventeur doit être une personne

À l’heure actuelle, la majorité des lois et des conventions sur les brevets exigent que les demandes de brevet désignent une personne physique comme inventeur, excluant ainsi l’IA. Récemment, l’OEB et le l’UK IPO ont rejeté deux demandes de brevet qui nommaient explicitement un système d’IA comme inventeur (cf. « The Artificial Inventor Project », paru en 2019 dans le magazine de l’OMPI5, et l’article « EPO and UKIPO Refuse AI-Invented Patent Applications », publié dans la revue IP Watchdog 20206).

 

Comment l’AI soutient les inventeurs

L’IA augmente la capacité à récolter, catégoriser et analyser de grands ensembles de données, à simuler des processus complexes et/ou à prédire leurs résultats. Par conséquent, les brevets biotechnologiques offrent des possibilités d’utilisation de l’IA intéressantes : conception et découverte de composés, diagnostics, pronostics ou contrôle de processus biologiques complexes.

 

La biologie a été l’un des premiers domaines à recourir à l’IA et continue aujourd’hui encore de représenter un domaine d’application important (cf. Oliveira7, Goh8, Shah9 [2019] et Fuji [2017]10). Un article récent portant sur la découverte d’un médicament propose de définir cinq niveaux d’implication de l’IA, allant d’une aide analytique à une activité intégralement dépourvue d’implication humaine.

 
 
 

40 % des brevets en biotechnologie impliquant l’IA sont des brevets de classe mondiale

Afin d’identifier les brevets biotechnologiques faisant état d’un recours à l’IA, nous avons établi un croisement entre deux ensembles complets et distincts de brevets : la premier concerne l’IA/le machine learning et le second la biotechnologie. Chacun comprend plus de 300 000 familles de brevets actives. L’intersection entre les deux ensembles met en évidence 3136 familles de brevets, soit moins de 1 % de chacun de ces deux ensembles; parmi eux figurent 52 brevets d’inventeurs suisses. Malgré ce nombre peu élevé, la contribution des inventeurs suisses dans ce sous-ensemble (1,7 %) est plus importante que dans l’ensemble de la biotechnologie (1,2 %) ou celui de l’IA (0,5 %).

 

En ce qui concerne la qualité, 40 % des brevets en biotechnologie impliquant l’IA sont des brevets de classe mondiale, ce qui représente une proportion impressionnante. Ce nombre est bien plus important que dans les catégories individuelles de la biotechnologie et de l’IA et se rapproche des valeurs élevées observées pour les brevets déposés en Suisse qui ont été publiées dans le Swiss Biotech Report 2018.

 

Il est intéressant de constater que dans les trois ensembles susmentionnés, la majorité des brevets d’origine suisse sont en réalité des inventions internationales : ils mentionnent en effet des inventeurs suisses, mais également des inventeurs étrangers. En 2019, la proportion des inventions internationales comprises dans les portefeuilles suisses s’élevait à 77 % pour la biotechnologie, à 62 % pour l’IA et à 74 % pour l’IA dans la biotechnologie.

 
 
 

L’IA : un outil d’aide dans le développement d’inventions biotechnologiques

Le sous-ensemble regroupant les brevets IA et les brevets biotechnologiques semble étonnamment petit. C’est parce qu’il ne comprend que les brevets définissant l’IA comme une caractéristique centrale de l’invention, comme l’illustrent les exemples du tableau 1. Ces brevets correspondent aux niveaux 4 et 5 de la classification proposée par Green11.

 

Au-delà de ces brevets en biotechnologie centrés sur l’IA, il se peut tout à fait que l’intelligence artificielle soit intervenue dans de nombreuses autres inventions biotechnologiques. Or, si les brevets ne mentionnent pas explicitement un recours à l’IA, les classifications et les mots clés utilisés pour la recherche ne permettent pas les identifier.

 

En conclusion, les brevets biotechnologiques dans lesquels l’IA constitue un élément essentiel représentent seulement la pointe visible d’un iceberg bien plus grand de brevets combinant IA et biotechnologie.

 

L’article est paru également dans le Biotech Report 2020.

 
 

Références

1. EPA-Website Digitale Technologien (2019)

2. EPA-Website Künstliche Intelligenz (2019)

3. Hu, Shuijing; JIANG, Tao, Artificial Intelligence Technology Challenges Patent

Laws. In: 2019 International Conference on Intelligent Transportation,

Big Data & Smart City (ICITBS). IEEE, 2019. S. 241-244

4. WEF white paper: AI collides with patent law (2018)

5. WIPO public consultation on AI (Dec 2019)

6. EPO and UKIPO refuse AI-invented patent application (ip watchdog Jan 2020)

7. Oliveira, Arlindo L. Biotechnology, Big Data and Artificial Intelligence.

Biotechnology journal, 2019, S. 1800613

8. Goh, Wilson Wen Bin; SZE, Chun Chau, AI Paradigms for Teaching Biotechnology.

Trends in biotechnology, 2019, 37. Jg., Nr. 1, S. 1-5

9. Shah, Pratik, et al. Artificial intelligence and machine learning in clinical

development: a translational perspective. NPJ digital medicine, 2019, 2. Jg., Nr. 1,

S. 1-5

10. Fuji H, Trends and priority shifts in artificial intelligence technology invention: A

global patent analysis (includes biological applications of AI) 2017

11. Green, Clive P.; Engkvist, Ola; Pairaudeau, Garry. The convergence of artificial

intelligence and chemistry for improved drug discovery 2018

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